Mission d’évaluation 2016: collaboration avec l’expertise au Cameroun.

Mission d’évaluation 2016: collaboration avec l’expertise au Cameroun.

Le 20 septembre 2016, j’ai pris un vol à mes frais personnels de Bruxelles au Cameroun avec pour objectif principal la signature de la convention tripartite avec l’expertise locale au profit de notre projet d’enseignement CALISA à Douala, mais naturellement aussi pour évaluer les projets générateurs des non-voyants que nous avions financés. A l’aéroport de Zaventem en Belgique, des militaires patrouillaient avec des mitrailleuses.

Accompagné de mon aimable assistant, j’ai pu passer le contrôle sans problèmes avec mes 17 kilos de surplus de bagages à main, parmi lesquels une grande quantité de matériel d’enseignement pour déficients visuels. A l’aéroport de Douala, des mesures de sécurité étaient aussi en vigueur à cause du groupe de terreur Boko Haram. Le Cameroun compte actuellement 350.000 réfugiés menacés venant des pays limitrophes. Au nord, on ne parvient pas à ravitailler les camps des réfugiés à cause de la terreur, avec pour conséquence la précarité navrante et la mortalité. Le domicile de Robert est située dans un quartier pauvre. La cuisine se trouve dans le couloir étroit qui donne sur la toilette traditionnelle qui doit être partagée avec le voisin. De l’eau à boire et à se laver se trouve dans un puits à proximité et n’est pas potable.

Le comité d’accueil m’a cordialement souhaité la bienvenue. Nous avons pris un repas simple composé de riz et de poisson. Après que tout le monde soit retourné, nous avons déballé les valises remplies de matériel et de petits cadeaux. Ensuite, nous nous sommes préparés pour aller se coucher. Comme d’habitude, j’ai partagé le lit avec la femme de Robert et Daniel, leur enfant cadet. Cette fois-ci, nous avons organisé notre transport annuel par contenaire via un expéditeur camerounais. Il a su s’entretenir avec les responsables de la douane du port pour livrer à destination nos 34 colis à temps et sans problèmes.  Le lendemain, nous sommes partis dans un minibus bas et bondé à la commune rurale de Njombé, où le groupement des aveugles nous attendait déjà. Après le départ de trois personnes qui ont provoqué le trouble, l’ambiance est redevenue positive. On nous a demandé deux petits contenaires pour vendre les produits vivriers aux localités fréquentées. Ils souhaitent aussi commencer un projet d’élevage d’escargots, pas cher mais bien rentable. Le soi-disant ‘congomeat’, viande d’escargot, est très apprécié. Ensuite, les objets amenés ont été distribués et on a servi à tout le monde un repas simple, mais bien préparé.

A la fin de la visite, le retour s’est fait par taxi-moto. Puis est arrivé un minibus à destination de Douala. Il était rempli des gens qui avaient acheté des vivres à Njombé pour les revendre au marché de Douala. Arrivé à Douala, il s’est trouvé que le minibus ne nous laisserait pas du tout à notre quartier d’habitation indiqueé, alors qu’il conduisait tous les autres à leur destination. Après beaucoup de discussions, soutenus par les autres passagers, nous avons fini par descendre pour prendre un taxi.

Le lendemain après-midi, nous avons eu un entretien avec le bureau technique de l’association des aveugles ACFISA, composée par notre agent immobilier, l’architecte et l’agronome retraité qui, avant, avait aussi travaillé en Italie et aux Pays-Bas.

Ils étaient blessés par notre manque de confiance avec pour conséquence la stagnation dans l’exécution du projet de construction. Notre proposition d’acheter un bâtiment existant à Douala-ville s’est trouvée trop coûteuse et risquante. Voilà pourquoi ils ont conseillé de construire sur le terrain déjà acheté. Car on prévoit que surtout la population jeune devrait quitter le centre-ville pour s’installer vers les nouvelles banlieues de Douala, où est aussi planifié un grand nombre de facilités. En outre, notre terrain de construction est bien accessible à partir de l’autoroute Douala-Yaoundé. Étant donné le changement du climat à l’avenir, sa structure et position est préférable par rapport aux locations marécageuses au centre-ville bondé et rempli de fumée des moteurs et des voitures.

Le 23 septembre au matin, nous avons visité le local où l’association des aveugles ACFISA donnait les cours de braille à une dizaine d’élèves. Dans l’après-midi, nous avons rendu visite au CAFRAD situé au quartier Bepanda. CAFRAD est une des initiatives de  l’Eglise Evangélique au Cameroun. L’abbréviation signifie Centre d’Animation, de Formation, de Recherche et d’Appui au Développement des groupements vulnérables, voire des femmes, des enfants et des handicapés. On nous a gentiment reçu et on nous a montré tout l’intérieur, sobre mais bien soigné. Nous avons d’abord visité le bloc administratif et le chef de la programmation. Ensuite le directeur administratif et financier du CAFRAD, le service chargé des activités culturelles et peri-scolaires, c’est-à-dire les activités pour les enfants de la rue à qui l’on offre une formation professionnelle. Après le secrétariat du coordinateur, nous avons visité le studio de Radio CASMANDO  de CAFRAD et la salle du service de la lecture des journaux, bref une salle à usage multifonctionnel. On y trouve aussi une grande salle pour les réunions et les fêtes, laquelle est aussi utilisée pour le goalball, un sport pour déficients visuels.

A la fin, nous avons visité le complexe de l’école constitué  de deux parties: le premier, composé de la maternelle où les petits entre deux et cinq années sont accueillis et encadrés; le second accueillant le cycle primaire qui va de la CIL jusqu’au cours Alémentaire 2. On a demandé aux petits quelles personnes se servent d’une canne blanche, un gamin a répondu à haute voix: ‘Les vieux!’ Ensuite, on a dit aux enfants: ‘Les personnes qui ne voient pas, les aveugles.’ Et tous les enfants ont  répété ensemble: ‘LES A-VEU-GLES!’ Mais le petit garçon a insisté: ‘Les vieux.’

De retour au Centre de la Jeunesse, où un groupe des aveugles se réunit presque quotidiennement pour échanger et apprendre des nouvelles, le courant était interrompu et par conséquent, les ordinateurs et le ventilateur ne fonctionnaient plus. Heureusement, un générateur d’urgence a été mis à leur disposition. Mais la location était mise à nomination pour l’assainissement.

Le samédi 24 septembre, nous devrions aller à Yaoundé. Mais à l’aube déjà, nous avons été réveillé par les cris d’une foule furieuse: on a attrapé un jeune voleur et on le frappait sans itié. Comme la police,  après audience, libère souvent les jeunes voleurs, la population prend elle-main les choses en main. Mais comme il était un jeune du quartier et le seul fils de sa mère, on a décidé de ne pas le tuer. Quelques semaines avant, comme Robert nous a raconté, un autre bandit notoire ailleurs avait eu moins de chance. Il a été jugé par la foule; on lui a jeté un pneu de voiture autour du cou qu’on a ensuite mis en feu.

Après un bon retard du bus, nous sommes finalement arrivés à 15.30 heures au domicile de Jean-Pascal avec nos 10 cartons de matériel. Une cinquantaine d’aveugles nous attendait impatiemment. La distribution s’est passée en ordre et dans une bonne harmonie, maintenant qu’on s’est rendu compte que ceux qui distribuent les objets, n’ont pas ouvert les cartons avant pour se procurer des meilleurs objets. Nous les avons offert un raffraîchissement et La femme de Jean-Pascal a préparé un repas pour tout le monde. Puis, ils sont rentrés chez eux tard dans la nuit.

Le lendemain très tôt, nous sommes allés a la commune rurale Elig Ngomo. Parmi les nouveaux membres se trouvait une fille de 17 ans, née aveugle. Ses parents l’ont rejeté, car on croit encore souvent à la sorcelerie. Elle a été élevée par sa tante handicapée, mais elle n’a jamais visité une école. Robert lui a demandé de visiter son école des aveugles à Douala.

Dans l’après midi, s’est  tenue la réunion du conseil de gestion de notre branche Fakkel2000Cameroun. Les membres avaient été sélectionnés sur la base de leur connaissance, leur moralité et leur savoir-faire.

Il s’est trouvé que les projets financés ne marchent pas comme on s’y attendait, voilà pourquoi les bénéficiaires ne remboursent  leur micro-credit qu’en tranches, car la réalité africaine est rigide. Le conseil a proposé de ne financer désormais que des projets communs afin de profiter des qualités diverses des uns et des autres.

Notre branche qui connaît la réalité sur place, m’a aussi donné les informations concernant des demandeurs qui ne sont pas sérieux. Toutefois, on m’a fermement recommandé de gérer ces cas avec discrètion et diplomatie. On m’a également demandé de leur donner d’avance un droit de regard sur les financements accordés aux projets des autres associations des aveugles à travers le pays.

Somme tout, la réunion s’est déroulée positivement. Ainsi, j’ai appris que Adiemé Serge dont nous avons soutenu durant ses études, travaille maintenant à l’Université de Yaoundé. Il publiera bientôt son troisième livre intitulé: ‘La madonne et le serpent.’ Cet ouvrage sera édité en France.

Le lendemain, nous avons planifié arriver à 10 heures à Ebolowa, situé dans le sud du Cameroun. À cet effet, notre accompagnatrice devait venir nous chercher avant 7 heures du matin. Mais en Afrique, le temps est une notion vague, donc elle est arrivée vers 9 heures.

Nous avons pris une agence de voyage Fiable, BUKA, qui avantage les handicapés, les femmes enceintes et les mères ayant des petits enfants. Mais nous devions encore attendre jusqu’à 11 heures avant le départ du prochain bus pour Ebolowa. Du reste, le voyage a été comfortable et les vendeurs qui recommandaient de manière grandiose leurs produits fantastiques, nous ont bien amusé. Une fois à Ebolowa où le transport par taxi est rare, nous sommes allés par mototaxi au siège du groupement des aveugles où nous sommes arrivés vers 13.30 heures. Le fait de nous revoir a été chaleureux et tout le monde était très motivé. Le groupement a reçu du préfet local un terrain de 400 m2 et un montant pour le faire légaliser. Leur magasin au marché a été mis en location et les recettes étaient gardés dans la caisse commune. Actuellement, le groupement est assisté par un secrétaire voyant, car établir un rapport officiel n’est pas si simple quand on n’a pas pu suivre une formation. Après la distribution, nous avons offert un raffraîchissement à tout le monde. A leur tour, ils ont organisé des arrachides, des oranges coupées en quatre et des bananes. Vers 16.00 heures, nous sommes retournés à la gare routière, mais le départ du bus vers Yaoundé n’était prévu que vers 17.30 heures. Derrière nous était assise une mère avec un mignon petit enfant. Un vendeur à la voix crépissante était en train de proposer sa marchandise quand à mi-chemin, il y a eu une consternation: le carburateur a explosé et le bus s’est rempli de fumée.  Un passager a dit d’une manière comique: ‘le carburateur a pété!’ Tout le monde s’est mis à rire. Délaissés, nous sommes descendus. Et nous voilà en pleine brousse où la nuit tropique était déjà tombée. Mais cela n’a  pas géné le petit enfant, il s’est mis à gazouiller sans être conscient du danger.

Comme l’attente d’un autre bus pourrait durer jusqu’à minuit et que nous n’étions pas en sécurité à cause des brigands, nous nous sommes efforcés de stopper les voitures qui passaient. Enfin, un minibus pour 16 personnes s’est arrêté. Nous sommes montés jusqu’à ce que le bus était bondé de 27 âmes. Quelques voyageurs, parmi lesquels la mère et son petit enfant, sont restés, soit parce qu’ils avaient des bagages lourds dans la soute du bus en panne, soit il leur manquait l’argent pour payer encore un auttre moyen de transport. Un policier a fait arrêter le minibus. Nous avions agité la main en guise de salutation, en riant, il nous a laissé passer. Quand nous sommes arrivés vers 21.00 heures au domicile de Jean-Pascal, trois étudiants m’attendaient depuis 16.00 heures afin de me soumettre leurs besoins. Mais je leur ai dit que nous n’avions vraiment plus d’argent pour les soutenir et je me sentais sans pitié. Le lendemain, à peine le jour levé, deux autres aveugles sont venus pour me parler. L’un d’eux a achevé ses études, il se débrouillait bien avec l’informatique et souhaiterait de tout son coeur suivre une formation de journaliste de la radio. Mais il est orphelin et faute de financement, il était obligé de rester chez lui depuis déjà deux années. Alors, j’ai décidé de le soutenir à titre personnel. Ensuite, avec mon accompagnatrice Jacky, j’ai pris le bus de retour à Douala. On a pas voulu me laisser partir seul, car en cas de calamités, je ne serais pas en sécurité compte tenu de ma situation. Plus tard, dans le taxi de retour, un monsieur a drôlement interpeler Robert en disant : ‘Toi avec ta blanche, tu es comfortable!’ Les enfants de Robert étaient attachés, surtout les petits. Daniel, âgé de 19 mois, venait m’apporter toutes sortes de choses, comme ma canne, son gobelet et des papiers imprimés. Quand je sortais à travers la planche, il posait le bout de ma canne là où je devais mettre le pied, de la même manière qu’il a vu faire les autres enfants avec leur père. Le mercredi matin à 9 heures, j’ai eu un entretien avec le coordinateur de CAFRAD. Somme tout, mon principal objectif a été de signer la convention tripartite avec CAFRAD et lassociation des aveugles ACFISA. Dans quelques semaines, le coordinateur devait se rendre en Allemagne où il entretient des bonnes relations avec des entreprises et des bailleurs. Il m’a proposé de venir également à ses propre frais aux Pays-Bas pour recolter avec moi des fonds pour le compte du centre d’enseignement CALISA qui répond aussi à leur objectif. Mais le centre devrait rester la propriété d’ACFISA.

L’Etat camerounais ne connaît pas de subventions sociales et ne soutient qu’au niveau administratif, comme  une réduction des frais de la morgue au cas où les aveugles ne seraient pas capables de payer. Après la conférence, nous sommes retournés au Centre de la jeunesse où une centaine d’aveugles nous attendaient. La nouvelle de ma venue au pays est allée de bouche à oreille. Je leur ai préalablement pourtant dit qu’en ce moment, Fakkel 2000 n’est pas capable de résoudre leurs problèmes. Néanmoins, il y a eu des aveugles qui m’ont cherché pour me soumettre leurs urgences. Mais aussi, un nombre d’étudiants sont venus me remercier cordialement pour notre soutien depuis des années. Pendant la distribution, il y a eu des disputes bruyantes, mais à la fin, tout le monde était content. Après, un ami de Samba qui est caméraman, est venu nous chercher avec sa voiture. Cette fois, nous ne nous sommes pas retrouvés dans un véhicule usée avec le revêtement des sièges déchiré et qui grincait et gémissait sur la route cahoteuse comme dans la plupart des taxis au Cameroun. Ma derniere nuit, je l’ai passé au domicile de Samba qui, à cause d’une explosion de grenade en 1994, a perdu les yeux et les bras. Nous avons pris des photos de lui avec sa fille Emmanuelle agée de presque 6 ans. Sa vieille mère est presque paralysée et sa situation nécessite l’assistance permanente. J’ai amené pour samba un téléphone portable aux touches palpables qu’il pourrait manipuler avec le bout de la langue. Une semaine après, il m’a annoncé la mort de la mère d’Emmanuelle. Vers midi, on est venu me chercher et nous sommes rentrés à la maison pour faire ma valise. Puis nous avons pris des photos de toute la famille près du cocotier à côté de la maison. Le soir, nous nous sommes rendus à l’aéropor. A ma surprise, on m’a confié a un assistant dont la mère avait suivi une réhabilitation au centre CJARC de Yaoundé dont nous avons financé la construction. Eh Oui, parfois, le monde est petit!

 

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